LA TAPISSERIE AU XVe SIECLE
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dirigés par des femmes ; les documents contemporains en four­nissent la preuve. Quant à attribuer à ces ateliers l'exécution de nos tapisseries, le savant éditeur ne va pas jusque-là. Ces pièces nous paraîtraient d'une date sensiblement postérieure, et plutôt contem­poraines de Charles VIII ou de Louis XII que de Charles VII.
Deux de ces tapisseries sont inspirées par le même sentiment décoratif : figures richement habillées menant en laisse des dragons fantastiques au milieu de la plus capricieuse efflorescence. Ces deux pièces étaient évidemment destinées à servir de dosserets; celle, qui est formée de trois morceaux superposés formait probablement trois frises distinctes à l'origine. L'autre, incontestablement la plus riche et la plus belle, nous dit, dans ses légendes allemandes, que l'homme vainqueur des bêtes sauvages est dompté par l'amour, lieu commun fort ingénieusement rajeuni pour la circonstance.
La forme et les dimensions de la troisième tapisserie lui assignent le même usage qu'aux deux autres. Nous y voyons représentés cer­tains personnages des plus populaires au moyen âge, soit en France, soit en Allemagne. Il s'agit de ces neuf preux dont la légende a souvent inspiré les dessinateurs de cartons.
Ici nous n'avons que les trois preux chrétiens, Arthur, Charle­magne et Godefroy de Bouillon, avec leurs armoiries de fantaisie. A gauche parait Judas Machabée. La tapisserie incomplète ne laisse voir qu'une partie du corps du roi David ; il manquerait donc, pour compléter la série, le troisième des preux de l'Ancien Testament, Josué, enfin les trois héros païens, Hector, Alexandre et César. On sait que cette trilogie, dont l'invention date du xive siècle, a laissé une trace durable dans le jeu de cartes. Les inventaires nous en ont fait connaître déjà plusieurs représentations.
Il existe encore, dans un château de la Nièvre, une tapisserie où Godefroy de Bouillon se présente à cheval ; les murailles de Jéru­salem apparaissent dans le fond.
N'est-il pas intéressant de constater que ces types du héros parfait avaient été adoptés par les Allemands, qui y retrouvaient une de leurs figures les plus populaires, le grand empereur Charles?
Nous connaissons peu de tapisseries du xve siècle ou du commen­cement du xvi0 siècle d'un style aussi riche que les tentures de Bâle. Si on parvenait à établir d'une manière certaine qu'elles sortent d'un atelier du pays, elles placeraient leurs auteurs à côté des maîtres les plus habiles. D'ailleurs, l'industrie de cette contrée laborieuse a